|
Le
point de
départ de cette bd vient du mail que Cédric
Demangeot
que je ne connaissais pas, m'a envoyé avec le texte en pièce-jointe.
On s'est rencontré et j'ai dessiné cette adaptation qu'il a faite
du conte. Dans un de ces
décors de fond
de vallée des Appalaches ou vosgiennes que j'aime beaucoup dessiner.
"Ce
Poucet là ne s’adresse pas aux enfants. En effet voici une
terrible revisitation du célèbre conte qui fera date assurément :
elle fait froid dans le dos et vous empêchera de relire les
aventures des sept frères perdus avec votre naïveté d’antan.
Avec un trait pesant et gras, Vincent Vanoli nous brosse dans son
univers tranché, en noir et blanc, le paysage : une montagne,
le versant sombre d’une vallée, une « cabane de bois mouillé
à l’orée de la forêt », la solitude. Dans cette modeste
demeure, vivent Poucet et ses parents, de pauvres hères qui n’ont
plus que la peau sur les os et rongent les racines et les écorces
pour lutter contre leur faim dévorante. La ribambelle de frères a
disparu : c’est sur Poucet tout seul que s’abat la
malédiction familiale et les coups du père, rustre devenu
alcoolique lorsqu’il ne parvient plus à vendre son bois. Ici on
n’abandonne pas ses enfants, on les exploite et on les martyrise.
Nul besoin d’aller se confronter à un ogre, il est déjà là, au
sein même de la maison. Pas de bottes de sept lieues quand on marche
pieds nus dans une forêt que l’on connaît par cœur.
La
mère est impuissante et lâche prise face à ce mari dément et
violent. Poucet est alors chargé de chasser : « il lui
est interdit de revenir à la cabane tant qu’il n’a pas capturé
quelque rongeur ou quelque oisillon ». Un beau jour, Poucet se
retrouve bredouille et il décide de s’enfoncer dans la forêt. Il
grimpe sur un arbre immense et y demeure trois jours. « Trois
jours et trois nuits de sommeil et de veille inextricablement mêlés,
pris entre les délires de la faim et ceux de ses cauchemars ».
Lorsqu’il revient, c’est pour emmener à sa suite ses parents
dans la sombre forêt où se jouera le drame final. Il demeure bien
un chemin fait de petits cailloux disséminés mais il ne permettra
pas le retour.
Visions
de cauchemar, corps d’hommes et d’arbres déformés, tordus ou
recroquevillés, visages métamorphosés par la douleur ou la faim,
silhouettes d’ogre géant, tourbillons d’écorces et volutes de
la violence en huis clos, les planches réalisées par Vincent Vanoli
sont à la fois sublimes et insoutenables, offrant des sensations de
mouvement quasi palpables. La poésie et la rudesse des textes
proposés par Cédric Demangeot s’y associent étroitement pour
composer une œuvre dérangeante, qui bouscule le schéma du conte,
qui en réassemble les éléments épars pour inventer un nouveau
récit, aussi cruel que le premier, laissant moins de place à
l’espoir et à une happy
end
fantaisiste et épique.
Une bande-dessinée singulière et au
graphisme atypique sur un drame familial archétypal."
|