| L'oeil
de la nuit c'est la fenêtre éclairée derrière laquelle se meut une
silhouette, comme une pupille se déplaçant et scrutant les ténébres
pour guetter le voyageur perdu. L'oeil de la nuit, c'est lui qui nous
permet de regarder aussi à l'intérieur de nous-même dans le rêve. Tel
un projecteur, la fenêtre lance un jet de lumière qui surveille les
alentours de la maison, mais éclaire aussi notre paysage intérieur.
Les rapports d'un père avec son fils prennent des voies oniriques, souterraines. Le
père ici, sent le besoin de son fils d'entrer en connivence avec lui,
quelque chose serait donc à transmettre. Le père a bien "quelque chose
de spécial": il ne dort pas la nuit, sans doute est-il sous le joug de
son côté obscur, à quoi pense-t-il la nuit, "qu'est ce qu'il
fabrique?". Alors s'impose au père l'idée d'un voyage pour partager une
expérience qui l'unira définitivement à son fils, un voyage pour les
éprouver tous deux, permettre une transmission, au delà des terres
connues, dans un monde sauvage de forêts, celui des mythes. Arrivés là,
après une traversée symbolique d'un grand lac, et dans les bois, ils
font leur chemin jusqu'à une maison abandonnée. Dans une ambiance de
plus en plus déstabilisante, fils et père sont alors suivis, traqués,
séparés. Finalement, bien qu'au départ, on ne pouvait deviner si
elle allait être maléfique ou alliée (mais c'est bien à elle que le
père menuisier travaillait pendant ses nuits d'insomnie), une
incarnation du père, toute de bois, cyclope rendu vivant, interviendra,
se révélant ainsi aide protectrice qui leur permettra de revenir parmi
les hommes, de retraverser la nuit pour retrouver l'aurore.
"...
Vincent vanoli continue à sonder l'imaginaire fantastique mais invente
cette fois-ci son propre conte. Jonathan, un jeune garçon, suit son
père dans des contrées sombres et mystérieuses et se fiat happer par
une curieuse forme ectoplasmique. Alors qu'il commence comme un récit
initiatique, l'Oeil de la Nuit voit les codes du genre vite
bouleversés: c'est le parcours du père et non celui du jeune garçon qui
intéresse l'auteur. Les rôles sont inversés, et pour retrouver son
fils, le père doit surmonter de terribles épreuves (vécues, rêvées),
dans des paysages inspirés par le romantisme allemand et
l'expressionnisme. Vincent Vanoli enseigne ici avec élégance et
noirceur comment lutter contre ses cauchemars, affronter ses peurs et
ses démons intérieurs."
Anne Claire Norot, dans les Inrockuptibles, janvier 2013.
Une chronique sur le site Du9.
|