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Adaptation d’historiettes choisies provenant du recueil du même nom,
écrit au XVème siècle par l’écrivain italien BOCCACE. J’ai dessiné une
première histoire en restant très fidèle au texte, mais constatant que
l’exercice, bien que satisfaisant, était trop laborieux et scolaire,
j’ai continué en adaptant de façon complètement libre les récits
choisis : certaines histoires ne gardent ainsi que grossièrement
le motif principal de l’histoire originale et d’autres changent de
titre. Le fait d’avoir, pour la première fois sur certains passages,
travaillé en muet, m’avait donné l’impression d’un retour aux sources
d’une bande dessinée où la succession de dessins dans des cases
pourrait suffire à une narration. Lors de la réalisation de ce livre,
j’avais en tête le système de représentation des images des
peintres italiens Primitifs de la Pré-Renaissance (comme DUCCIO et
UCCELLO), tout autant que les ambiances sombres du cinéma néo-réaliste.
« le Décaméron vu par Vanoli
Alors que la Grande Peste décime allégrement l'Europe, dix jeunes
damoiseaux et damoiselles se réfugient dans la campagne toscane et
égayent leurs journées en racontant des histoires à tour de rôle. Dix
contes par journée fois dix jours nous donnent les cent récits formant
le Décaméron écrit par Boccace entre 1348 et 1351. Fabliaux, paraboles,
anecdotes traitant d'amours heureuses ou malheureuses, célébrant les
femmes, raillant le clergé et la cupidité d'une époque où l'épidémie de
bubons a rejeté toutes valeurs morales aux oubliettes.
C'est dans cette somme que Vincent Vanoli, jeune auteur de la bande
dessinée indépendante à la production déjà abondante, puise la matière
de son album Le Décaméron paru aux éditions Ego Comme X. Où comment
mettre en images et phylactères un classique du XIVe siècle, au début
du troisième millénaire...
L'univers graphique de Vanoli nous happe dès la première planche. Sa
représentation de la fin du moyen-âge tient plus du chaos que de
l'harmonie pré-renaissante. Les personnages montrent des mines de
masques carnavalesques, nez crochus ou tire-bouchonnés, yeux exorbités,
bouches édentées, allures simiesques ou bossues évoquant les monstres
des gargouilles romanes. Ses perspectives de villes aux ruelles
tortueuses, des canaux de Venise aux citadelles toscanes sont toujours
subjectives, déformées ou dépliées comme un jeu de cartes cubiste.
A ce décor expressionniste s'ajoute la noirceur du dessin, déclinant
les valeurs du noir et du gris dans des matières riches. Cette
diversité des rendus est obtenue par un long travail de retouches.
Vanoli esquisse d'abord les scènes à l'encre de chine sur fond blanc et
les reprend avec du pastel, crayon et crayon gras avant d'apposer de la
gouache blanche pour créer les zones de lumière. Un style
mi-expressionniste mi-naïf soutenu par un découpage trés précis avec
des cadrages serrés.
L'introduction reproduit celle de Boccace: dix jeunes gens racontent
des histoires et un scribe les recueille, en précisant bien que le
destin des choses racontée est d'être déformées, ce qui met à l'abri à
la fois Boccace dans sa prétendue transcription et Vanoli dans son
adaptation. L'album narre ensuite dix nouvelles de longueur variable. A
l'exception de la deuxième, elles sont tissées autour des relations
amoureuses, dans des registres légers ou dramatiques.
Amours heureuses quand les valeurs courtoises sont préservées ou
comiques quand la concupiscence des hommes les conduit à des situations
ridicules: s'affubler d'un déguisement d'archange pour séduire une
vénitienne bigote, fantasmer sur les désirs érotiques des nonnes
jusqu'à les imaginer en procession de futures mamans ou inventer des
grues unijambistes pour conquérir une brunette. La lubricité des hommes
d'église donne lieu à une enquête à rebondissements, d'un faux
ressuscité(mais vrai cornu) à un Saint-Gabriel bossu dans "une saison
au purgatoire", histoire à la narration plus complexe et aux
atmosphères spécialement réussies.
Les amours adultères figurent naturellement dans ce chapelet,
généralement à l'initiative des femmes, mais toujours pour des raisons
valables: mari porté sur la boisson dans la bluette "le vin des
innocents" ou abandon de l'amant dans le doux-amer "les hasards de
l'hospitalité", histoire d'une aventure sans lendemain. Ces deux
nouvelles, ainsi que le conte tragique "les trois frères", sont mises
en scène comme des courts métrages muets, la lecture se faisant
uniquement à partir des actions et des expressions des personnages. Ils
constituent les récits les plus aboutis car l'absence de texte
développe l'expressivité des figures et des points de vue tout en
stimulant l'attention du lecteur. Les non-dits et la forme intrigante
du dessin laisse l'histoire ouverte, ce qui augmente son intérêt.
Loin
de la version sulfureuse de Pasolini ( Le Décaméron, 1972) ou autre
adaptation un peu mièvre (par D. et A. Attanasio aux éd. Lefrancq)
également focalisée sur l'érotisme contenu dans l' oeuvre de Boccace,
Vanoli propose un Décaméron plus ludique et pudique. Il écarte les
épisodes violents ou explicitement érotiques en exploitant généralement
une partie seulement des récits("les trois frères" correspondent au
début du conte "le basilic") ou en développant un aspect esquissé par
Boccace (le déguisement dans" la chute d'un ange"). Se forme
ainsi un ensemble hétérogène aux pièces de portée et de profondeur
inégales, allant du simple gag à des récits prenants qui touchent
encore nos sensibilités contemporaines grâce à l'expressivité du dessin
et de la mise en scène. Un excellent divertissement, comme l'indique le
titre. »
Sophie Ravaux-Zoëll, dans Le Courrier de Genève, mars 2000.
Ici, un travail universitaire de Pauline Pionchon dans Cahier d'Etudes Italiennes
(Ouvrage épuisé)
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