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"L'an dernier, Vincent Vanoli avait sorti son somptueux Brighton Report
(chez Ego Comme X), dans lequel il s'essayait à une sorte de portrait
dessiné de sa ville d'adoption. Ce nouveau volume n'est pas une suite
ni un nouveau roman graphique composé d'une seule traite. il s'agit
plutôt d'une compilation, mais qui se révèle tout aussi unifiée et
pertinente que l'était le précédent livre. Le Côté obscur du Dimanche après-midi
rassemble en effet des histoires parues à divers moments, dans
différentes revues, mais qui, toutes, relèvent de cette même idée qui
semble hanter Vanoli: faire de la bande dessinée comme d'autres font de
l'anthropologie sociale.
Ce qu'il met en lumière,
dans ses histoires, ce sont avant tout des récits de vie, des moments
typiques qu'il capture au sein de sa propre famille ou dans sa province
natale. Plus exactement, la pratique de Vanoli semble ancrée dans un
très méticuleux travail de terrain et de plongée au sein de parcelles
de sa propre vie qu'il utilise comme le matériau principal de son
ouvrage, qui ressemble souvent à la cartographie virtuelle d'un
territoire intime, en pleine construction.
Ce qui semble aussi le
travailler le plus intimement, ce sont les questions de la parenté et
de la famille. Son travail consiste souvent à recréer des moments
pivots de sa propore existence, comme cette histoire durant laquelle sa
mère est complètement désorientée. Ses bandes dessinées sont ainsi des
manières de pointer des zones d'anomie personnelle familiale. Anomie,
mais aussi rupture avec les habitudes: Vanoli décrit ici par exemple un
concert incongru de Bruce Joyner, dans un village plus que paumé, où,
de fait, la présence d'un groupe de rock devient une manière de casser
les habitudes, de créer, l'espace d'un soir, de nouvelle envies, hors
normes. Ailleurs, il fait référnce, de manière oblique et subreptice, à
Pat Fish alias Jazz Butcher, autre figure obscure du rock des années
80: comme si Vanoli, au fond, ne s'intéressait avant tout qu'aux
seconds couteaux, aux rôles secondaires, aux visages que l'histoire
officielle ne retient jamais.
Le Côté Obscur du
Dimanche après-midi est de fait un précis de choses banales, qui
pourraient se produire dans n'importe quelle vie, mais qu'il parvient à
sublimer grâce essentiellement, à deux atouts: une écriture sans
effets, sans détours, sans fioritures et un trait dense, charbonneux,
jamais gras, qui donne l'impression que l'auteur ne saurait dessiner
autrement, qu'il n' a pas choisi ce qu'il fait. Vanoli est bien de la
trempe de ces auteurs qui ne font pas le la BD par choix, mais par
nécessité. Une nécessité qui l'oblige à le lire"
Joseph Ghosn dans les Inrockuptibles 544, mai 2006
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