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"C’est
l’automne dans une ville de taille moyenne. Un policier dort mal, sa
femme est inquiète, Yuna se méfie de lui. Sont-ils à même de
s’entraider, au-delà de l’idée qu’ils se font les uns des autres ? Des
bureaux d’un commissariat à l’intimité d’un foyer en passant par un
campement à l’extérieur de la ville, Yuna se déroule dans un
univers à la fois familier et insolite où s’introduit le surnaturel. Car
même les mal-aimés et les exclus ont des rêves, voire des visions. Que
fait la société de leurs rêves ? Qui est repoussé en marge, en
périphérie ? Ces questions ont-elles des réponses ? Nous sommes si
facilement définis en quelques lettres : Rom, flic, trans, plouc, prof,
chef, mytho, vieille, loser, mort… Si bien que nous échappons les uns
aux autres. Ou que nous nourrissons l’espoir de nous évader."
(Présentation du livre sur le site de L'Association)
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Interview croisée publiée dans la lettre électronique de février 2024 nde L'Association.
"Dans
un noir et blanc intense aux contrastes exacerbés, caractéristique du
style de Vincent Vanoli, évoluent des personnages touchants et
légèrement grotesques. Sa première collaboration avec Anne Baraou nous
propose un savoureux mélange d’affaires classées, d’émancipation et de
fantastique. Anne et Vincent ont accepté de nous parler du livre et de
la manière dont celui-ci s'est élaboré.
Comment avez-vous
travaillé ensemble sur ce livre ?
L'Association a rarement affaire à des scénaristes
purs qui ne dessinent pas. la scission scénariste-dessinateur est
principalement pratiquée dans la bande dessinée plus commerciale sinon
industrielle, qui scinde les tâches selon un modèle de longue date,
produxctiviste où chacun doit rester à sa place. mais les
collaborations peuvent aussi apporter des livres enrichis par cet
écahnge et cette double vision. et puis c'est très agréable de
travailler à deux, ça évite parfois des écueils et des doutes. Surtout
avec quelqu'un comme vanoli qui a déjà une oeuvre conséquente et
formidable. Il faut dire qu'on se connaît depuis longtemps, dans les
trente ans... Enfin, on n'habite pas la porte à côté donc on ne s'est
jamais vus très souvent. je suis absolument fan du travail de Vincent
depuis tout ce temps mais, de mon côté, j'écrivais surtout des
hsitoires humoristiques donc je n'imaginais pas particulièrement lui
proposer quelque chose.
Ces dernières années, j'ai eu envie de mettre un peu la comédie de côté
et j'ai commencé à avoir des idées plus sérieuses, plus romanesques.
j'ai pensé que cette hsitoire ( je n'avais pas de synopsis) pourrait
coller à l'univers à la fois sombre et burlesque de Vincent, alors je
lui ai proposé. Ensuite on a travaillé par allers-retours. J'ai écrit
au fur et à mesure qu'il dessinait, par tranches. C'était exaltant de
faire comme ça parce que j'adaptais la suite à la façon dont il avait
traité le début. Et il améliorait considérablement le découpage et le
rythme par son savoir-faire. J'imagine que de son côté, il gardait une
sorte d'expectative, il ne voulait pas trop savoir d'avance ce qui
allait se passer, même s'il avait lu la trame générale.
V.V: Anne et moi, on se connait depuis les débuts de L'Association, je
savais qu'elle souhaitait depuis longtemps me proposer un scénario,
alors, il était temps. J'aime bien passer d'un projet à un autre et que
ma bibliographie prenne des chemins différents, alors de travailler sur
un scénario proposé à un moment donné me semblait une bonne idée. pour
varier les plaisirs. là, ça me changeait de ne pas avoir à assumer une
hsitoire seul, d'être au service d'une scénariste qui aun texte sur
lequel elle abien refléchi. j'étais curieux de voir comment j'allais
donner corps au scénario qui au départ est plutôt abstrait. Il fuat
inventer des personnages, leur donner corps, installer une ambiance,
travailler les mises en scène à partir des textes du scénario. c'était
un peu le défi de pouvoir paporter un corps à ce qui est au départ un
scénario. J'ai dit à Anne que j'allais commencer à dessiner les
premières pages et voir ce que cela allait donner, si ça allait
marcher. les personnages ont pris leur visage d'emblée, ils ont les
têtes et les corps que je dessine dès qu'ils apparaissent pour la
première fois. Je ne fais pas de recherche de dessin à l'avance, c'est
le dessin de la page qui rend possible leur apparaition.
Sur les premières pages, je teste aussi l'ambiance, le style de dessin,
le ton et comme ça me plaisait, j'ai senti qu'on pouvait continuer.
Globalement, sinon, j'ai rajuté des passages de transition, j'ai avancé
progressivement, pas à pas, et comme Anne le dit, je ne voulais pas
connaître toute l'histoire terminée en détail, je veux que l'histoire
avance petit à petit mais une fois qu'une page est terminée, c'est
comme si tout ce qui est raconté existe vraiment, et puis comme dans la
vraie vie, que rien n'est écrit à l'avance, j'ai besoin de sentir le
récit avancer de lui-même, la page d'après restant l'inconnu, comme un
lendemain dans une vie réelle.
Je me suis amusé à donner corps à la ville où se situe l'histoire, posé
les parcours, que ça soit dense aussi en informations satellites, à
varier aussi les ryhtmes, il fallait prendre le temps, poser des pahses
de calme, ne pas rester seulement sur le scénario. pour les ambiances,
je pense que j'ai apporté des choses en étant sûr d'un autre côté des
textes et du propos d'Anne car je savais que je pouvais lui faire
confiance sur leur solidité.
A la fin, il faut aussi qu'on sente que l'osmose a été parfaite, c'est
à dire qu'on peut sentir que c'est pleinement une histoire d'Anne
baraou mais que ça devient aussi une de mes histoires. On retrouve
effectivement mon attachement au réel, aux décors du quotidien, aux
personnages touchants avec une nuance de grotesque.
Anne, t'es-tu inspirée d'un fiat divers ou d'un lieu en pariculier pour écrire le scénario de ce livre?
A.
B. : Dans cette époque de victimisation exacerbée, je me suis demandée
quelles étaient les personnes qui, dans la société, étaient les plus
malaimées ou rejetées, enfin je ne sais pas s’il y a un mot précis mais
j’ai eu envie d’une histoire où s’entraideraient d’une
façon ou d’une autre des personnes qui s’opposent mais pour lesquelles
ce n’est pas plus facile pour l’une que pour l’autre. J’ai pensé à un
gendarme, à une femme Rom et à un jeune homme trans. Ça aurait pu être
d’autres personnes, bien évidemment. C’est d’ailleurs une question assez
curieuse de se demander quelles sont les personnes les plus rejetées
par la société ? En la posant ici et là, j’ai parfois eu des réponses
étonnantes. J’avais une amie d’enfance qui était mariée à un gendarme et
lorsqu’ils rencontraient des gens ou sortaient en soirée, son mari ne
disait jamais son métier. Ça m’était resté en tête. Les flics ne sont
des héros que dans la fiction, dans la réalité c’est pas pareil, alors
qu’ils ont généralement eu à cœur de faire ce métier pour défendre leur
prochain.
Lorsque
j’ai fait une formation en travail social, il y a quelques années, je
pratiquais des entretiens en parcours de contraception ou d’avortement
et j’ai rencontré plusieurs fois une jeune veuve Rom qui m’a beaucoup
marquée. Sa vie était bien plus terrible que celle de Yuna. J’ai
peut-être voulu donner un pouvoir à cette femme à travers mon
personnage, on se console comme on peut quand on a la tête dans la
fiction. On rit du monde ou on le répare à sa mince façon. Et puis, j’ai
un fils trans donc aussi une petite idée de la force intérieure qu’il
doit développer et de tout ce qu’il se prend dans la gueule au
quotidien.
Mais
je ne voulais pas que les difficultés propres à chacun de ces
personnages soient le moteur de l’histoire, je voulais un mélange de
fantastique et d’humanité, de mystère, d’incompréhension et d’entraide,
de social et d’imaginaire.
Comment les personnages- notamment celui de Yuna ou du policier- ont pris forme?
A.
B. Je me suis documentée sur la vie en caserne, sur les différentes
contraintes, les procédures, les uniformes et puis finalement, on en a
fait un policier, ça marchait aussi bien. Et Vincent apporte une forme
d’incertitude historique qui fonctionne à merveille. On ne cherchait pas
le réalisme d’une
époque particulière. J’ai lu tout ce que j’ai pu sur la culture Rom qui
est fascinante, millénaire et donc forcément polymùorphe, adaptative et
surtout orale. Il y a quelques récits documentaires, assez peu, c'est
aussi une façon de se protéger, de ne pas se dissoudre. On trouve des
élements hsitoriques et surtout des contes traditionnels. pour le jeune
homme, j'avais en tête la soudure pour la liberté qu'elle apporte de
pouvoir travailler partout dans le monde (un neveu de mon ex-mari
faisait ça) et le désir d'aller de l'avant en se fortifiant chaque jour
face aux rejets et aux bâtons dans les roues.
V.
V. : Bon, je crois que j’ai déjà répondu à ça dans la réponse
précédente ! Mais je peux rajouter que je ne voulais pas dater
précisément l’époque de l’action. Il y a des ordinateurs, les bus ont
l’air un peu vieillots, la ville aussi, les voitures des policiers sont
anachroniques ainsi que leurs uniformes par exemple, comme dans un film
de Kaurismaki peut-être. Un réel un peu grotesque, mais les
problématiques de l’histoire sont bien contemporaines.
Vincent, tu écris la plupart du
temps tes propres histoires, qu'est ce que cela fait de travailler à
partyir du texte d'une autre personne - en l'occurrence à partir de
celui d'Anne?
V.
V. : J’ai déjà fait des adaptations de textes, mais c’était la première
fois que je travaillais sur un scénario avec des échanges et des
discussions, ça change un peu, c’est une bonne parenthèse. J’aime la
vision d’Anne sur la vie et l’humanité inscrite dans ses personnages, ce
qui se retrouve aussi dans les miens quand je fais une histoire tout
seul et j’ai aimé leur donner une épaisseur. On collaborera sans doute
encore ensemble à un moment donné !
Une chronique sur le site Bodoï
Une autre ( à écouter) chez Livres hebdo
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